VU, LU, ENTENDU

Neuromarketing : les consommateurs peuvent-ils vraiment devenir amoureux d’un produit ? (vu sur slate.fr)

21 Oct. 2011

http://www.marketresearchnews.fr/media/catalog/product/cache/3/small_image/250x/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/m/a/martin-lindstrom.jpg

Partager

Quelques jours avant que ne sorte le nouvel iPhone 4s, le spécialiste du branding et du neuromarketing Martin Lindstrom a déclenché une belle petite tempête dans le landernau des neurosciences, avec sa tribune publiée dans le New York Times (You Love your iPhone. Literally), et consacrée à la question du rapport entretenu entre les utilisateurs d’iPhone et cet objet, qui continue à se vendre beaucoup…et à faire couler beaucoup d’encre !

Pour Martin Lindstrom, les choses sont on ne peut plus claires, la relation que les gens entretiennent avec leur iPhone ne relève pas seulement d’une simple « addiction » ou « dépendance » (…)

Dixit Lindstrom, «ces mots du champ lexical de la drogue ne sont pas aussi scientifiquement pertinents qu’un autre mot que nous utilisons pour décrire les relations personnelles que nous chérissons le plus. Ce mot, c’est « amour ».»

C’est la conclusion à laquelle parvient en effet Martin Lindstrom, suite à une expérience menée avec 16 individus agés de 18 à 25 ans (8 hommes, 8 femmes), et au cours de laquelle ceux-ci ont été exposés individuellement au son et à une vidéo (muette) d’un Iphone en train de sonner et de vibrer, avec les dispositifs adéquats pour observer leur activité cérébrale. Phénomène remarquable, les systèmes enregistrèrent un processus de synesthesie (les cerveaux des individus «entendaient» l’iPhone en voyant la vidéo muette, et le «voyaient» en entendant juste le son). Et plus remarquable encore, ces stimuli activaient la partie du cerveau la plus associée aux sentiments de l’amour et de la compassion. Selon les propres termes de Martin Lindstrom «Les cerveaux des sujets ont répondu au son de leur téléphone comme ils répondraient à la présence ou à la proximité de leur petit ami ou petite amie ou d’un membre de la famille.»

Mais les choses n’en restèrent pas tout à fait là, et la conclusion de M. Lindstrom fut loin de faire l’unanimité, avec en particulier une lettre fort critique communiquée au New York Times, rédigée par le neuroscientifique Russell A. Poldrack et co-signée par 44 autres neuroscientifiques. Pour lui, Lindstrom est tombé dans le piège de la « reverse inference » : le fait de croire que, parce qu’une activité semble activer une région du cerveau généralement associée à une autre activité, ces deux activités sont comparables ou reliables entre elle: «Le cortex insulaire a beau être associé à des sentiments d’amour et de compassion, cela ne prouve pas que nous sommes amoureux de nos iPhones. Dans un récent article, nous avons conclu que l’insulaire antérieur était une des parties du cerveau les plus fréquemment activées, montrant une activité dans quasiment un tiers de toutes les études d’imagerie!»

Un autre chercheur en neurosciences, Tal Yarkoni, procéda également à une critique en règle de l’article de Lindstrom, estimant qu’une conclusion honnête aurait tout simplement été moins… glamour !

Que penser de tout cela ? Sans doute la position la plus raisonnable, de notre point de vue, consiste-t-elle à trouver un juste équilibre. On voit bien ici les limites d’une certaine posture, celle de la recherche du spectaculaire et du médiatique à tout prix, qui peut paradoxalement encourager une forme de conservatisme. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : les avancées dans le domaine des neurosciences sont à la fois trop solides et trop importantes pour ne pas en tenir compte dans la pratique des études marketing, comme cela avait été particulièrement évoqué par François Abiven (Repères), Bruno Poyet (Impact Mémoire) ou par François Laurent (Adetem) dans ce double dossier que nous avons consacré à la relation entre sciences et marketing (volet 1, volet 2).

Naturellement, il n’est jamais si facile de trouver la meilleure façon d’appliquer les avancées des connaissances scientifiques, et il est bien normal de tâtonner un peu. Mais ne nous trompons donc pas d’enjeu : le seul qui compte vraiment est bien celui de l’efficacité du marketing qu’il y aura au bout de ces éclairages et de ces études, et l’esprit critique le meilleur tamis pour démêler la fausse monnaie et l’or, la superficialité des uns et le sérieux des autres…


POUR ACTION


Vous avez apprécié cet article ? N’hésitez pas à le partager !

CET ARTICLE VOUS A INTÉRESSÉ ?

Tenez-vous régulièrement informé de notre actualité et de nos prochains articles en vous inscrivant à notre newsletter.