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« Trop d’entrepreneurs se prennent pour Steve Jobs ! » – Interview de François Laurent, co-président de l’Adetem et auteur de « Marketing : 100 pages, ça suffit ! »

30 Nov. 2016

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François Laurent est à l’évidence une des figures parmi les plus connues et les plus actives du marketing d’aujourd’hui en France. En tant que co-président de l’Adetem bien sûr, mais aussi que blogueur et auteur. Mais qu’est-ce qui anime l’homme au-delà de la figure publique ? Que pense-t-il vraiment du marketing d’aujourd’hui ? Que ferait-il s’il avait une baguette magique lui permettant de transformer cet univers ? Que ferait-il s’il n’avait pas choisi cette voie ? Ce sont quelques unes des questions que nous lui avons posées à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Marketing : 100 pages, ça suffit ! » publié aux Editions Kawa.

 

MRNews : Les éditions Kawa ont publié il y a quelques semaines votre dernier ouvrage, « Marketing : 100 pages, ça suffit ! ». Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?

François Laurent : Pour bon nombre d’entrepreneurs, le marketing constitue une fonction compliquée, réservée aux multinationales qui ont les moyens de se doter de départements adéquats, alors qu’en fait, le marketing, c’est avant tout un état d’esprit, plus quelques méthodes assez simples à mettre en œuvre ; quand les plus motivés se rendent en librairie, ils découvrent des ouvrages épais et complexes qui ne peuvent que les dégouter à jamais.

D’où cet ouvrage court et, j’espère, facile à lire – et surtout, avec des méthodologies aisées à appliquer, même pour ceux qui ne disposent que d’un budget limité.

Au-delà de cet objectif de synthétiser les règles du marketing actuel, est-ce qu’il y a des messages de fond que vous avez souhaité faire passer ?

S’il n’y avait qu’un message, je dirais que le personnage le plus important de l’entreprise, c’est le consommateur : tout doit tourner autour de lui, il faut le placer au centre ; et c’est pour cela que j’ai nommé ma structure de consulting ConsumerInsight.

Même s’ils comprennent bien que sans clients, une société n’existe pas – enfin, pas très longtemps – beaucoup d’entrepreneurs sont un peu trop nombrilistes, et pensent que leur génie créatif est encore plus important : en fait, ils se croient tous des Steve Jobs … ce qu’à de très rares exceptions, ils ne sont pas. Il leur faut apprendre l’humilité, et instiller une approche consommateur.

Cela ne signifie pas non plus que le marketing doive régenter l’entreprise : un excès en ce sens inverse serait tout aussi préjudiciable ; en fait, un équilibre doit se trouver entre ceux qui imaginent les produits et les services, et ceux qui portent la voix des consommateurs.

En tant que co-président de l’Adetem, vous faites partie des figures les plus actives et les plus connues du petit monde du marketing. Vous pouvez donner l’impression néanmoins de nourrir une relation particulière à cet univers… Est-ce que ce n’est pas une relation un peu ambivalente, d’amour et haine ?

Amour, haine : cela me semble excessif… C’est moins le marketing que j’aime, que les gens : les consommateurs, mais aussi ceux qui entrent en dialogue avec eux – les marketeurs, donc. Ce qui signifie que pour moi, le marketing doit avant tout, se montrer respectueux des individus.

Hélas, il y a toujours des menteurs, des traitres, ceux qui sous couvert de marketing, ne pensent qu’à gruger le client, l’inondent de messages inutiles en pensant que dans la masse, ils réussiront bien à en berner quelques-uns ; ils ne sont pas nombreux, ces pseudo-professionnels, mais ils sont trop visibles.

Quand j’ai créé mon blog, il y a une dizaine d’années, je l’ai nommé Marketing is dead, non pas parce que le marketing est mort, mais parce que si l’ont n’empêche pas toutes les dérives désastreuses que l’on constate hélas trop souvent, on creuse sa fosse. Le marketing doit se réformer pour ne pas disparaître.

Quand vous aurez achevé votre mandat à l’Adetem, qu’est-ce qui vous fera dire que la feuille de route a bien été remplie ?

Tout va très vite, nul sait aujourd’hui quels seront les challenges de … 2017 ! On parle aujourd’hui beaucoup de consommation collaborative, les médias sociaux sont devenus incontournables : l’Adetem est certainement le lieu où l’on en a parlé en premier, en termes de marketing.

Pour moi, notre mission, à Jean-Michel Raicovitch, qui préside l’association avec moi, et à moi-même, aura été à bien, si l’Adetem constitue toujours de lieu par excellence où l’on découvre et déchiffre les nouvelles tendances sociétales et leurs implications marketing, et où on les partage.

Le marketing ne s’apprend pas que dans les livres : il se découvre également au quotidien, et l’Adetem doit être le lieu où se passent ces échanges.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez vous dans l’univers du marketing, et/ou dans celui du market research ?

Je supprimerais bien évidemment tous ces gougnafiers qui ne respectent pas les consommateurs. Un exemple simple : récemment je reçois un mail me proposant de répondre à une enquête « officielle » me proposant de donner mon opinion sur le salaire des professeurs ; en tant que citoyen, je souhaite donner mon avis : je clique sur le lien, et me vois proposer de souscrire à des abonnements, d’acheter des produits, etc. Ce genre de comportements me semblent totalement inadmissibles !

Qu’est-ce qui anime François Laurent, qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

Me faire plaisir – et faire plaisir aux autres, bien évidemment. En conseillant quelques clients que j’aime bien : je suis très restrictif, je n’ai pas envie de travailler avec et pour des gens avec je ne me sens pas en complicité. En partageant ma passion pour le marketing à l’Adetem, sur mon blog, en rédigeant des livres, souvent avec d’autres coauteurs. En participant à des think tanks plus ou moins formels, comme le Comité scientifique de l’Adetem ou mes amis des Mardis du Luxembourg, avec qui je viens de publier un recueil de nouvelles : Chroniques de l’intimité connectée. Et aussi en écoutant du rock et de la pop, en allant au théâtre.

Si vous n’aviez pas fait carrière dans le marketing, dans quel autre univers auriez-vous eu aimé «sévir » ?

J’ai toujours aimé écrire. D’où mon blog, les livres professionnels, diverses collaborations, etc.

Récemment, avec mes copains des Mardis du Luxembourg, comme je viens de le dire, j’ai touché à la nouvelle, en adaptant au 21ème siècle, Le Bonheur dans le Crime de Barbey d’Aurévilly ; je pense rééditer l’exercice, je ne sais pas encore sous quelle forme. J’aimerais bien, un jour ou l’autre, « faire un truc » entre le roman, la vidéo, le spectacle … quelque chose en ligne avec notre époque.

Enfin, je vous sais passionné de musique. Quels sont 4 ou 5 albums que vous prendriez si vous deviez vous retrouver sur une ile déserte. Ou les 4 ou 5 plus belles découvertes de ces derniers mois ?

Ce soir, Archive passe à Pleyel ; dimanche, je vais voir King Crimson… Difficile de faire la liste des incontournables : c’est important de découvrir ceux qui sont en train de créer la scène de demain. Bien sûr, il aurait quelques classiques, comme « In the court of the Crimson King » de King Crimson, justement, ou « Third » de Soft Machine, et un autre « Third », celui de Portishead ; on ajoute le double blanc des Beatles, et quelques albums récents, comme « Ash & Ice » de the Kills ou « Night Thoughts » de Suède. Et une petite française : Added Jeanne avec « Be Sensational ».


 POUR ACTION 

• Echanger avec les interviewés : @ François Laurent

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